NO MAN'S LAND PROJECT 2010

Heure locale
île Pierre 1er
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> Chronique du 07/03 sur France Inter à écouter ici

Une île I Isabelle Autissier I

Je vais vous parler d'une île. Celle que je viens de quitter mais reste pour toujours dans ma tête. Je la sais là, à plusieurs centaines de kilomètres sous le cercle polaire antarctique, au milieu de la mer de Bellingshausen s'il vous plait. Un ancien volcan étouffé par les glaces. Pour y arriver il faut une semaine de ciel bas et de mer grise semée de gros icebergs tabulaires effilochés de brume. Au matin, nous la savons là. Quelques trouées de brouillard dévoilent par instants une falaise de glace ou de roc. Il flotte un sentiment d'irréel dans ce paysage du bout du monde.

De son volcanisme, l'île a gardé un rocher brun sombre veiné d'un rouge de sang séché. La carte est fausse, très fausse, le premier jour nous errons dans la boucaille à la recherche d'un hypothétique mouillage : trop de profondeur, trop de glaces dérivantes, trop de brisants antipathiques. Nous nous réfugions pour la nuit dans une minuscule anfractuosité et nos alpinistes regardent avec méfiance les séracs qui pendent presque au dessus du bateau.

Le lendemain, notre exploration nous mène à un petit miracle : une vraie baie, presque abritée. Nous nous installons avec délectation. Hélas à deux heures du matin les icebergs arrivent à l'assaut. Nous finirons la nuit à la dérive, au large, entre les glaces. Le temps s'améliore. Nous persistons dans la baie et nos alpinistes partent à l'assaut du sommet à 2000 mètres d'altitude. Mais la montagne n'a pas décidé de se laisser faire. Elle creuse des crevasses immenses, envoie ses vents et ses brumes. La sagesse l'emporte sur l'envie de vaincre.


Dernière nuit, car on ne reste pas dans ces endroits qui en fait, ne font que vous tolérer. Il n'y a pas de vent et la baie est coupée en deux : d'un coté une falaise blanche qui étincelle sous la lune, de l'autre la falaise sombre et à son pied des icebergs endormis et au dessus des milliers d'étoiles.


 Pourquoi allons nous là  bas ? Pour rien ? Non, pour cela, ces instants de grâce qui ressemblent au bonheur et que je vous offre ce matin.

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