I Lionel Daudet I
Arête nord-ouest du mont Parry "Bon anniversaire Tristan"
Vendredi 29 janvier, faux départ. Nous sommes au pied de la goulotte que nous avons repérée dans la face ouest du Pic Luigi di Savoia, le temps est calme mais totalement bouché. Il est 4h du matin, que faire ? Personne n'est vraiment motivé pour passer la rimaye qui se perd dans le brouillard, il fait humide, la neige enfonce. Pour couronner le tout, le bas de la voie aperçu de façon fugitive entre les nuages, s'annonce nettement plus raide que prévu et en glace pourrie : "Ouh, mais c'est bien vertical tout ça… pour une voie "de repos", ça n'a pas l'air donné !".
Un rapide coup de téléphone à notre grand sorcier Yan finit de nous décider : nous irons tranquillement fêter l'anniversaire de Tristan au bateau, on grimpera plus tard ! Bonne décision ; au menu : confiture maison de groseilles, foie gras et Champagne, fallait tout de même pas louper cela !
Samedi 30 janvier : la nuit est bouchée, l'éclaircie annoncée par Yan tarde à venir… le sommet ne veut toujours pas se montrer. Nous profitons du confort du bateau jusqu'à 6h du matin où dans une atmosphère uniformément laiteuse, le sommet daigne enfin sortir des nuages. Cette fois, la motivation est là ! A la tente laissée au pied de la voie, nous troquons nos skis contre les piolets et c'est parti mon kiki ! Dès la rimaye, nous sommes dans l'ambiance : ce ne sera décidément pas une voie de repos ! Heureusement, le bas de la voie en glace déliquescente peut être évité par la droite, par deux ressauts verticaux. La glace est super bonne, du pur bonheur de grimpeur. Et ce sera cela sur 800 m. de dénivelée, jusqu'à l'arête sommitale : une succession de longueurs raides avec parfois des sections légèrement déversantes, et de courtes pentes de neige. Une goulotte de rêve - d'alpiniste, et non de marin, j'entends bien ! - Univers noir, blanc et gris puisque le brouillard nous enveloppe toujours. "Yann, ton éclaircie, elle est passée où ?" L'arête sommitale se dévoile au fur et à mesure de la progression, mélange de brumes grises et de champignons givrés, drôle d'ambiance où, à tout moment, on se dit que l'on va rester bloquer sous un de ces énormes surplombs de givre totalement infranchissable.
A trois reprises, c'est d'ailleurs l'incertitude totale, il faut traverser à gauche, à droite, chercher, se faufiler, pour trouver un tunnel salvateur qui nous permet de grignoter quelques mètres vers le sommet.Ici, l'escalade s'apparente à une espèce de natation à la verticale, où le crawl est rendu possible grâce à nos piolets "ailés". A 21h30, après une longue traversée à gauche pour éviter le dernier champignon, la pente se couche enfin, plus possible de monter plus haut, c'est le sommet !Et miracle, le ciel se déchire enfin. Quelle récompense après cette fantastique ascension ! Vue géniale sur la mer de tous côtés, les glaciers, les îles… Ah, si les marins savaient comme c'est beau là-haut, ils deviendraient alpinistes. L'éclaircie nous permet d'entrevoir la descente par l'arête Sud, succession de descentes tranquilles et de rappels, de nuit… eh oui, fini le jour total, l'été avance ici et il fait maintenant nuit noire entre minuit et 3h30. Nous retrouvons notre tente au petit jour, HEU-REUX !
La voie aurait pu s'appeler "Bon Anniversaire Luigi Amédée di Savoia" (né le 29 janvier 1873) du nom du sommet qui fut baptisé par Jean-Baptiste Charcot en l'honneur du célèbre explorateur italien Duc des Abruzzes. Charcot mena la première exploration de cette région en 1905. Il avait à son bord un guide italien P. Dayné qui, avec un membre d'équipage J. Jabet, a réalisé la première ascension de ce sommet le 7 février 1905. Mais on a préféré la nommer "Bon anniversaire Tristan", parce que Tristan, c'est notre explorateur à nous !
VIDEO I Ile Wiencke. Pic Luigi di Savoia. Durée 2mn 35s TOPO et INFOS ASCENSION : Face ouest du mont Luigi di Savoia (1435 m.)
Voie "Bon anniversaire Tristan" Déniv : 1100 m rimaye > sommet Difficulté : ED+ D'abord 800 m de goulotte dans la face ouest avec de nombreux ressauts verticaux et deux courts ressauts déversants. Puis 300 m d'arête de champignons de givre où on a dû slalomer pour trouver un passage, réussi grâce à des tunnels de givre. |
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| Date : 30 et 31/01. Départ du bateau à 6h le 30/01, attaque de la rimaye à 9h, sommet à 21h, retour à la tente laissée proche de la rimaye à 3h30 du matin le 31/01. Retour bateau le lendemain, en 2h depuis la tente à skis. Descente par l'arête sud du Mont Savoia, puis goulotte ouest du col plat (rappels principalement). |
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