NO MAN'S LAND PROJECT 2010

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> Ascension Mont Foster - Ile Smith I 10-12 janvier 2010 I

I Patrick Wagnon I

Le baptême du givre ou une belle entrée en matière pour les alpinistes. "le vol du sérac"

Dimanche 10 janvier.
Miracle ! Il fait beau ! Alors que cette région des Shetlands, balayée par les 60èmes stridents (ou 60èmes solitaires comme le préfère Isabelle) est réputée pour sa météo exécrable. Nous quittons notre havre de paix de l'île Deception et mettons le cap à l'ouest vers l'île Smith, la plus haute et la plus escarpée des Shetlands. Repérée sur la carte au 1 : 1 000 000 et aperçue la première à l'arrivée en Antarctique, cette île ressemble à une montagne de roc et de glace, dépourvue de socle, tout droit surgie de l'océan et s'étirant sur 22 km du NE au SW. Son point culminant à 2100 m, le mont Foster, a bien été gravi pour la première fois en 1996*, mais personne n'a encore débarqué sur la côte NW. C'est donc là que nous irons !

Après 12 heures de navigation au moteur, nous longeons à petite allure cette côte sauvage, les yeux rivés sur les sommets, les

piliers, les glaciers escarpés et les innombrables séracs. Pas facile en quelques minutes depuis le bateau de situer le Mont Foster, de juger de la faisabilité et de la difficulté d'un itinéraire ainsi que de repérer une descente possible. Assez vite, je suis attiré par un magnifique éperon très direct, qui semble abordable, à l'abri des chutes de séracs, et qui mène à un sommet parmi les plus élevés de l'île. Une arête secondaire, plus au nord, offre la possibilité d'une descente. J'en fais part à Dod et Mathieu et une demi-heure plus tard, Kiddo et Tristan nous débarquent en combinaison de survie sur un bout de caillou au milieu de manchots curieux et d'éléphants de mer flegmatiques. Premier contact avec la terre ferme depuis une semaine, ça tangue ! Pendant que nous plantons notre tente sur la neige à quelques mètres de la mer, les marins repartent à l'île Déception où ils nous attendrons.

VIDEO I "Le vol du sérac" Mont Foster. Durée 5mn 08s

Lundi 11 et mardi 12 janvier.
Nous quittons notre camp un peu avant 8h. Un glacier bien crevassé nous mène au pied de notre éperon, à  400 m d'altitude. Les 1000 premiers mètres de l'itinéraire sont assez classiques, alternant pentes de neige et sections d'arête aérienne. Instant sublime où vers 1000 m d'altitude, nous perçons la couche de nuages pour apercevoir plus haut une succession de sommets ourlés de givre. Le givre justement ! C'est nouveau pour Mathieu et moi ! Dod a plus d'expérience avec ses précédentes expés aux Kerguelen ou en Géorgie du Sud mais ce n'est pas pour autant que cela rend le givre plus solide ou moins précaire à grimper ! Mathieu en fera les frais dans une belle longueur verticale qui se soldera par un impressionnant plongeon d'une quinzaine de mètres. Plus de peur que de mal ! Mathieu revient au relais, hébété mais entier et nous récupérons un de ses piolets planté miraculeusement 30 m en contrebas. Dod repart en tête.Jeu subtil de l'itinéraire entre champignons déversants, goulottes sculptées, corniches fragiles et chandelles verticales où trouver de la glace pour y planter des broches relève de la gageure. Justement, nous buttons sur un dévers de givre infranchissable. Un début de tunnel laisse entrevoir une issue mais cette option s'avérera vaine. Dod décide alors de traverser à gauche et fait relais sous un surplomb de glace, surmonté par un sérac en forme de voûte. Une lame de glace décollée de la paroi déversante offre la possibilité de gagner une vingtaine de mètres par une cheminée surplombante. Dod s'y engage, progressant en artif entre cette lame et la paroi glacée. Mathieu l'assure.J'attends sous le surplomb à côté de lui, à l'abri du surplomb. Tout à coup, quand Dod prend pied en haut de la lame, tout s'effondre. L'ensemble de la voûte explose 1000 m plus bas dans un vacarme d'avalanche et Dod pend lamentablement à la corde, sain et sauf. "P#&%5§n!!, c'est la première fois que je vole avec un sérac ! " dira-t-il. La suite de l'ascension, soutenue et raide jusqu'au bout, se déroulera sans encombres sous une lumière orangée totalement irréelle, loin au dessus de la mer parsemée ça et là d'icebergs. Moment magique du sommet à 2h du matin, au dessus de la mer de nuages d'oùémergent quelques îles. Le soleil a disparu, mais la ligne d'horizon est rouge, et il fait jour.

Sereins, nous nous engageons dans la descente pour rejoindre l'arête située 1 km plus au NE, repérée depuis le bas, permettant de revenir vers la côte NW. Quelle déception quand, après un large plateau sommital débonnaire, nous buttons sur une face de plusieurs centaines de mètres qui nous barre l'accès à l'arête ! Pendant près de 4h, nous errons sur ce plateau sommital, tels trois zombies, descendant puis remontant pour trouver une issue. Très vite, le vent se lève, fort, les rafales nous bousculent, le froid est vif. Finalement, nous décidons de placer un rappel plein gaz dans une face givrée de 200 m, sans trop savoir quels ancrages on trouvera en contrebas. L'option est bonne et nous amène dans une combe que l'on doit descendre pour ensuite remonter durant 500 m de dénivelé vers une antécime où débouche l'arête. A 11h, nous sommes enfin sur cette antécime, et toujours à 1800 m d'altitude, seulement 300 m plus bas que notre sommet. Encore quelques rappels sur champignons de neige dans un vent fou, puis suit la désescalade de l'arête. A 17 h, nous retrouvons notre tente, les marins sont là, qui nous attendent patiemment depuis le matin (merci à eux !), les crêtes fument. Fatigués et heureux !

* Pour tout savoir sur cette première ascension... lire l'article

TOPO et INFOS ASCENSION :

Eperon W du sommet Nord du Mt Foster (alt 2100 m.)
Voie "le vol du Sérac"
Déniv : 1600 m entre la rimaye et le haut du pilier (à 2000 m.)
Difficulté : ED+
Sur les premiers 1100 m, arête assez classique, très jolie, D+, puis   successions de champignons de givre déversants sur  500m
Descente : par l'arête Nord du pic Forster Nord, puis arête W du glacier au bout duquel on avait mis le CB (descente difficile et longue en rappels sur champignons et désescalades)
Date : départ du CB sur la plage à 8h le 11/01, sommet à 2h du mat le 12/01, retour CB a 17h le 12/01 (33h non stop).

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